Janvier 2015 - Porte en fer forgé du XVIIIe siècle

Grille, porte de vestibule, vers 1779, 1784, dimensions : 3,10 m x 1,80 m Collection : musée d’Aquitaine, n° inventaire : 86.23.1. Don de la Banque Populaire du Sud-Ouest

Cette grille de vestibule en fer forgé provient du prestigieux Hôtel de Lamolère, donnant sur l’ancienne Place Richelieu, actuellement Jean Jaurès.

Cet hôtel particulier construit par l’architecte Victor Louis, est l’un des fleurons de l’architecture privée bordelaise. La grille monumentale qui l’ornait était, non pas située à l’entrée mais placée dans un couloir donnant accès aux appartements, séparant ainsi les espaces privatifs du reste de l’hôtel.

D'inspiration néo-classique, cette porte est scandée de carreaux et arcades et comporte à son sommet un monogramme MS, référence au nom La Molère-Sibirol.

Autre détail iconographique, peut-être plus tardif et assez rare en ferronnerie, deux médaillons d'ancres marines entrecroisées sont placés au centre des vantaux. Ils servaient certainement à montrer les liens entretenus par la famille avec la marine marchande.

Jean-Baptiste Lamolère (né à Bordeaux vers 1735) appartenait à une famille de noblesse récente, il était conseiller au Parlement de Bordeaux et marié à Madeleine de Godet-Dubrois, créole de la Guadeloupe. Propriétaire de nombreux domaines, à Floirac et également aux Antilles, il était doté d’importants revenus lui permettant un train de vie somptueux et de s’offrir une demeure dans un quartier prestigieux de Bordeaux. A la veille de la Révolution française, Jean-Baptiste Lamolère était l’une des plus grosses fortunes sucrières de la ville.

 

« Etre noble, c’est être autre, c’est une manière de paraître » dit Guy Chaissinand-Nogaret et il est évident que vivre à Bordeaux à la fin du XVIIIe siècle, quand on est noble, entraîne un certain train de vie, une certaine manière de se vêtir et de consommer (1). A Bordeaux, nombre de voyageurs ont raconté la magnificence architecturale de la ville. Beaucoup d’hôtels ont été érigés sur les commandes des nobles qui investissaient les revenus de leur vignoble. Ils ont ainsi participé très activement à la fièvre d’urbanisme qui devait donner à la ville quelques-uns de ses plus beaux fleurons.

Dans la première partie du XVIIIe siècle, la noblesse bordelaise fit ériger de superbes hôtels entre cour et jardin, perpétuant la mode adoptée au XVIIe siècle. Ce mouvement d’urbanisation culmina à la fin du siècle avec la venue à Bordeaux de l’architecte Victor Louis qui construisit notamment le Grand Théâtre.

En effet, afin de financer la construction du Grand Théâtre, les terrains situés derrière l’édifice ont été cédés à la Ville par le roi Louis XV. L’architecte Victor Louis a été chargé du lotissement de l’ensemble. Quarante-trois lots ont ainsi été répartis entre vingt-et-un acquéreurs, dont quatorze négociants (2). La noblesse issue du négoce s’installa délibérément dans ce grand ensemble architectural connu désormais sous le nom d’Îlot Louis.

Le dessein de Louis était de mettre en œuvre un ensemble monumental autour de la place Richelieu, comprenant l’hôtel de l’avocat général François-Armand Saige, l’immeuble pour le Trésorier de France Legrix de Lassalle, l’hôtel du négociant Jean-Baptiste Boyer-Fronfrède, l’hôtel de Lamolère et la maison du parlementaire Thibaut-Joseph de Gobineau. En se réservant la conception des façades régulières donnant sur la place, conformément à l’arrêt du Conseil d’Etat du 7 février 1730. L’hôtel de Jean-Baptiste Lamolère réalisé entre 1770 et 1780 se situe dans ce style sobre et régulier.

Après avoir servi de diverses manières, notamment en tant que banque, l’hôtel de Lamolère accueille aujourd’hui les services de l’inventaire de la Région Aquitaine.

(1)   Figeac, Michel. Destins de la noblesse bordelaise, 1770-1830

(2)   Revue Le festin, n°83, automne 2012

 

>> Pour en savoir plus : L'Art du Fer Forgé en Pays Bordelais de Louis XIV à la Révolution de Marie-France Lacoue-Labarthe à consulter dans notre bibliothèque 

>> Et un article complet concernant l’hôtel Lamolère sur le site de la Région Aquitaine

Grille, porte de vestibule, de l’hôtel particulier de la Molère à Bordeaux, musée d’Aquitaine, © L. Gauthier, mairie de Bordeaux

Grille, porte de vestibule, de l’hôtel particulier de la Molère à Bordeaux, musée d’Aquitaine, © L. Gauthier, mairie de Bordeaux