Pendule « au nègre »

Pendule « au nègre », modèle de Jean-André Reiche, époque Empire, bronze doré et patiné, 33x27, Inv. 2009.4.1

Don de l'Association des Amis au musée d'Aquitaine en 2009

Jean-André Reiche naît à Leipzig en 1752, son patronyme s'écrit alors Reich. Comme de nombreux ébénistes allemands, il s'installe à Paris sous le règne de Louis XVI et devient maître fondeur le 14 juin 1785. Dessinateur, créateur de modèles, il se spécialise dans la réalisation des boîtes de pendules à sujets. Cette fabrication nécessite l'intervention de plusieurs corps de métiers entre le dessin de l'ornemaniste et la pose du mouvement de l'horloger. La suppression des corporations en 1791 ayant permis la création d'établissements regroupant différents métiers, J-A Reiche réunissait, en 1805, dans ses ateliers de la rue Notre-Dame de Nazareth, une fonderie, des ateliers de tourneurs, ciseleurs, doreurs, monteurs et marbriers. Fournisseur de l'Empereur, il eut une production très abondante.

Le personnage aux yeux d'émail, torse et pieds nus est vêtu d'un pantalon à pont. Ses bras sont ceints de bracelets de bronze doré bordés de motifs de perles. Leur présence n'est pas uniquement décorative mais surtout fonctionnelle, permettant de masquer la jonction des éléments. En effet, les différentes parties du corps s'assemblent et les bras sont rapportés sur le torse, lui-même fixé, comme les pieds, sur le pantalon. Penché en avant, la jambe droite repliée pour prendre appui sur le sol, il fait rouler devant lui un tonneau où s'inscrit le mouvement. Le jeune homme semble surpris dans son travail, le mouvement réaliste traduit l'effort mais le visage, mis en valeur par les cheveux bouclés, est tout en rondeur, très doux et ne montre aucune tension.
Le socle rectangulaire à pans coupés repose sur quatre pieds en forme de cloche. Il est décoré de motifs rapportés, une couronne de fleurs sur les petits côtés, un aigle sur les pans coupés. Sur la face antérieure, la composition en frise met en valeur les richesses des îles et le négoce maritime : caisse, tonneau et ballots où s'est  posé un perroquet à huppe s'entassent devant une ancre appuyée sur deux branches de palmier entrecroisées portant de beaux fruits.

Le terme de « pendule au nègre » renvoie indifféremment aux représentations européennes d'Africains, d'Amérindiens et de personnes esclavisées. À côté des sujets inspirés des romans à la mode, ces pendules déclinent le thème de figures exotiques au travail, sur le modèle des petits métiers : « nègre » poussant une brouette, portant sur le dos une balle de coton, un panier de café qu'il déverse en se penchant, poussant un tonneau ; mais aussi matelot accoudé qui attend de louer ses services sur le port. Désormais le cadran de l'horloge apparaît noyé dans le sujet, inscrit dans un ballot, un panier ou, comme ici, dans un tonneau. Il n'occupe pas le centre de la composition et la recherche de l'ornement supplante l'intérêt  pour la perfection du mécanisme.

Ce « Nègre au travail », poussant un tonneau pour le charger sur un navire est, comme ses multiples déclinaisons, un témoin du goût de l'exotisme qui imprègne l'art et la littérature mais il est toujours vu à travers le prisme de l'idéalisation, le visage lisse et détendu malgré l'effort physique. Ce sujet permet également un jeu esthétique entre les volumes pleins du corps et la ciselure du bronze doré, entre la peau sombre et l'or du bronze.

Catherine Bonte


Pendule « au nègre », modèle de Jean-André Reiche, époque Empire
bronze doré et patiné, 33x27, Inv. 2009.4.1
© L. Gauthier, mairie de Bordeaux

Pendule « au nègre », modèle de Jean-André Reiche, ©photo L. Gauthier, mairie de Bordeaux

Pendule « au nègre », modèle de Jean-André Reiche, ©photo L. Gauthier, mairie de Bordeaux